Une langue n’est pas seulement un moyen de communication, mais aussi un socle de l’identité des peuples et des nations.
Tribune parue dans le Huffington Post le 26/09/2019
Les 24 langues officielles de l’Union européenne sont théoriquement placées sur un pied d’égalité. Mais dans les institutions européennes, l’anglais s’est imposé. En effet, la plupart des sites et documents officiels ne sont disponibles qu’en anglais, et au mieux dans 3 ou 4 autres langues. Au Parlement européen, seuls les députés maîtrisant l’anglais peuvent faire entendre leur voix en commission. La traduction est un mythe puisqu’elle ne couvre en fait que 5% des documents et discussions.
Et pourtant, malgré les dizaines de milliards d’euros dépensés par les Etats et les individus pour son apprentissage, les millions de séjours linguistiques effectués chaque année, un Européen sur deux ne parle pas anglais. Et même ceux qui le parlent sont loin, pour la plupart, de le maitriser couramment. Comme on le voit, l’Union européenne institutionnalise une véritable discrimination linguistique, au détriment souvent des populations déjà défavorisées.
L’usage de l’anglais comme langue dominante de l’Union européenne pose cependant de nombreux problèmes. Tout d’abord, les peuples européens n’ont pas été consultés pour approuver cet état de fait: aucun référendum n’a été organisé, aucun débat n’a eu lieu! Ensuite, si le Brexit se confirme, l’anglais ne sera plus la langue historique d’aucun pays membre: l’Union européenne utiliserait donc pour fonctionner une langue étrangère. L’anglais reste certes une langue très parlée dans le monde, et bien sûr la langue des Etats-Unis qui est notre principal partenaire commercial, cependant on peut en dire autant du mandarin ou de l’arabe, que l’on pourrait donc tout aussi bien adopter comme langue de travail si l’on suivait ce raisonnement.
Il faut savoir que l’anglais n’a pas toujours dominé les échanges européens: lors de la création de la Communauté économique européenne, l’ancêtre de l’UE, c’est le français qui s’imposa comme langue de travail. Dès lors, si l’Union européenne a changé une fois de langue de travail, rien ne l’empêche d’en changer à nouveau. Fidèle à ses principes fondateurs, c’est-à-dire la démocratie, les droits fondamentaux, la préservation de la diversité culturelle, l’égalité entre les peuples et entre les individus, une décision aussi fondamentale n’est concevable que dans le cadre d’un large débat public et, pourquoi pas, validée par référendum.
Quels sont les candidats à devenir langue commune officielle de l’Union européenne? L’allemand, langue la plus parlée en Europe après le Brexit, le mandarin, langue la plus parlée dans le monde, l’anglais, langue dominante du commerce mondial, le français, langue internationale historique jusqu’au XXe siècle?
La réponse nous est donnée par Einstein: “l’espéranto est la meilleure solution à l’idée de langue internationale”. En effet, puisque nous avons le choix entre 6000 langues, pourquoi choisir une langue complexe, difficile à prononcer et longue à maîtriser, alors que l’espéranto, langue reconnue par l’UNESCO et plusieurs autres organisations internationales, s’apprend 10 fois plus rapidement que toute autre langue? Il suffit généralement d’un an d’apprentissage pour parler couramment espéranto, là où plus de 10 ans sont nécessaires pour l’anglais, le français ou l’allemand. Tolstoï affirmait même pouvoir lire couramment l’espéranto après seulement 2 heures d’étude! Il existe de nombreux cours en ligne, gratuits, qui permettent de maîtriser suffisamment la langue pour tenir une conversation après quelques mois – l’un d’eux propose même une méthode en 12 leçons sur 12 jours. Nul besoin de coûteux séjours linguistiques: la prononciation est tellement simple qu’il est possible de parler parfaitement l’espéranto même en l’apprenant chez soi.
La grammaire de l’espéranto est entièrement régulière, logique. Tous les verbes se conjuguent de la même manière, tous les pluriels sont réguliers, les lettres se prononcent toujours de la même façon. En éliminant les exceptions grammaticales, l’espéranto a éliminé la complexité tout en conservant les nuances et la précision du langage.
L’espéranto, c’est aussi un ensemble de valeurs profondément humanistes. Son créateur, Ludwig Lazare Zamenhof, vivait en 1887 dans une Pologne occupée par la Russie. Il observe alors que les langues ne sont pas seulement un moyen de communication, mais aussi un vecteur de domination de certains peuples par d’autres. Zamenhof crée alors l’espéranto, une langue neutre qui appartient à tous les peuples, face à laquelle tous sont égaux. Sa facilité d’apprentissage doit permettre à tous de le parler sans difficulté, riches et pauvres, évitant l’émergence d’une société à deux vitesses. Et puisque l’espéranto s’apprend en moins d’un an, cela laisse du temps pour mieux approfondir sa propre culture, ou découvrir d’autres langues et cultures.
On ne peut qu’être frappé de la différence entre ces racines humanistes de l’espéranto, et l’anglais qui est devenu la langue du commerce et de la finance. Car une langue n’est pas seulement un moyen de communication, mais aussi un socle de l’identité des peuples et des nations. Souhaitons-nous une Europe du commerce et de la finance, ou une Europe fondée sur l’égalité, le partage et l’humanisme?
Pour construire une Europe de l’égalité, préserver nos diversités culturelles, et renforcer l’Union européenne face aux défis du XXIe siècle, l’espéranto comme langue commune européenne me semble une évidence.
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